Qu’est-ce que le biais de négativité et comment le combattre ?
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L’expression « biais de négativité » vient d’un concept anglophone, the negativity bias. Il s’agit d’une tendance de l’être humain à la négativité plutôt qu’à la neutralité ou la positivité. C’est-à-dire qu’on a tendance à donner plus d’importance et de poids à une information négative, même si elle est, dans les faits, d’importance égale à une autre information qui elle est positive.
Imagine une journée de travail. Pendant cette journée, ta chef t’annonce que le projet sur lequel tu bosses depuis plusieurs semaines doit être abandonné. Tu apprends aussi que le dernier projet sur lequel tu as travaillé a eu beaucoup de succès. Quelle information va avoir le plus d’impact sur toi ?
Le biais de négativité est l’un des nombreux biais cognitif étudiés dans le domaine de la psychologie et des sciences cognitives. D’ailleurs, si on jette un oeil à la liste de ces « préjugés » dont le cerveau humain est victime, on se demande si on peut réellement être capable d’objectivité !
A suivre ...
D’où vient cette tendance à la négativité ?
De nombreuses études montrent que notre cerveau a adopté un mécanisme qui fait que nous donnons beaucoup plus d’importance aux mauvaises nouvelles. Elles ont plus d’impact sur nous, on s’en souvient plus longtemps et plus souvent, on leur donne plus de validité.
Ce mécanisme, comme bien d’autres dans le comportement humain, trouve son explication dans l’évolution :
Pendant les millions d’années où l’être humain a évolué, il vivait au sein de la nature, et sa nourriture était constituée de ce qu’il pouvait cueillir et chasser. Son cerveau, le même que nous utilisons aujourd’hui, a donc été « paramétré » pour ce mode de vie, et pour sa survie dans cet environnement. Or c’était une vie remplie de dangers mortels, comme le risque d’être mangé par un tigre.
Daniel Kahneman, psychologue et économiste, nous explique :
« Le cerveau des humains et des autres animaux contient un mécanisme qui est construit de manière à donner la priorité aux mauvaises nouvelles. En réduisant à quelques centièmes de seconde le temps nécessaire à détecter un prédateur, ce circuit améliore l’espérance de vie de l’animal. » (Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow, p. 301.)
En effet, il était bien plus utile, plus urgent, à un être humain de remarquer la présence d’un prédateur dans un buisson, que de remarquer quelques fruits bien juteux à un arbre … Si je passe à côté des fruits, ce n’est pas très grave, j’en trouverai ailleurs, si je ne vois pas le tigre … game over !
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, nous ne vivons plus dans une jungle, et nous avons un besoin beaucoup plus réduit de ce mécanisme de protection. Il nous sert encore pour éviter une voiture qui arrive à toute vitesse, et … je ne trouve pas d’autre exemple. Non, nos cerveaux ne sont plus adaptés à notre mode de vie d’aujourd’hui. Ce mécanisme est trop souvent devenu un obstacle dans notre volonté d’avoir des relations saines.
Imagine : Le prof qui évalue ses étudiants se souviendra plus des mauvais résultats que des bons. Le chef qui estime la performance de ses employés, aura tendance à être plus conscient des échecs que des succès. L’homme / la femme qui juge le caractère de ses amis, verra plus les défauts que les qualités. Le conjoint qui observe le comportement de son/sa partenaire remarquera plus souvent les critiques que les compliments.
Ça fait un peu peur, non ?
Et ça explique pas mal de choses.
La tendance à se plaindre du temps, qu’il fasse chaud ou froid.
La tendance à être mécontent du gouvernement :-/
Le 20 heures rempli de catastrophes.
Les titres sensationnalistes des magazines.
Le besoin de critiquer.
Et cetera 🙁
Pourquoi tant de haiiiiine ?
Relativisons. Les biais cognitif comme le biais de négativité, ou encore l’effet de halo (tendance à ne relever que les informations qui confirment notre opinion, et à « oublier » celles qui ne la confirment pas), ou l’effet Ikea (tendance à accorder plus de valeur à un bien qu’on a partiellement créé – j’adore celui-là :-)) sont des mécanismes qui ont été mis en place pour assurer notre survie, et pour traiter un nombre impressionnant d’informations qui sont reçues au cours d’une seule journée.
A lire aussi : Qu’est-ce que le biais de confirmation et comment convaincre quand la porte est fermée ?
Le cerveau a naturellement évolué en mettant en place des automatismes, des mécanismes de gestion pour traiter toutes ces informations. Il a fallu aussi les rendre inconscients, pour laisser la place à d’autres fonctions essentielles, comme une conversation, ou la recherche de nourriture.
Et c’est bien ça le problème, non ? Ces biais cognitifs sont inconscients et automatiques. Ils sont là depuis des millions d’années, donc on ne peut pas les supprimer. On voudrait pourtant avoir un peu plus de positivité dans notre vie. Elle serait bien meilleure si on pouvait accorder autant d’importance aux informations positives qu’aux informations négatives.
Minimiser la négativité
Alors comment faire pour inverser la tendance ? On a vu que nous avons un penchant naturel pour la négativité, donc pour nager à contre-courant et apporter plus de positivité dans la vie, il va falloir travailler un peu et consciemment porter son attention sur les informations positives.
Prendre du recul
Je ne suis pas une femme / un homme préhistorique, je suis un homme / une femme moderne ! Ceci est un problème, pas un tigre ! C’est une épine dans mon pied, pas une mise en danger de ma vie !
Je décide donc de ne pas me laisser mener par le bout du nez par mon cerveau primitif. Je replace le problème dans son contexte et je relativise.
Savourer les expériences positives
Quand une expérience positive pointe le bout de son nez, je l’attrape, avant que mon cerveau ne l’écarte et l’ignore. Je l’attrape et je la garde avec moi un peu plus longtemps que d’habitude. Je peux même la noter quelque part, ou prendre une photo pour l’immortaliser !
Remarquer
Quand une pensée négative m’occupe l’esprit, je peux essayer de trouver une « preuve » du contraire dans mes souvenirs. Ma meilleure amie a oublié mon anniversaire ? Je me souviens de toutes les fois où elle ne l’a pas oublié …
Le journal de la gratitude
C’est une pratique conseillée par de nombreux thérapeutes et livres de développement personnel : tenir un journal de la gratitude. Chaque jour, je note une, trois, cinq, même dix expériences positives de la journée et pour lesquelles je suis reconnaissant(e).
Une boîte à bons souvenirs
Comme les expériences négatives ont tendance à rester plus longtemps dans notre mémoire, et nous reviennent plus souvent, il faut aussi trouver un moyen de contrer cette récurrence. Pourquoi ne pas garder une boîte à bons souvenirs qu’on irait consulter de temps en temps. Dans cette boîte je trouverai des « preuves » qui pourraient venir contredire mes pensées négatives les plus récurrentes.
Et après ?
Bonne nouvelle, la tendance à l’air de s’inverser avec l’âge. En effet, plus on vieillit, moins on est impacté par les expériences négatives.
Les plus cyniques pensent que c’est une preuve de déclin cognitif (quelle négativité !) …
Les plus optimistes pensent que c’est une preuve de sagesse et d’expérience de vie … A toi de décider !
Essaye ! Entraîne-toi à la positivité …
- Commence par remarquer les petites choses, un coucher de soleil, un enfant qui éclate de rire, un sourire, et garde l’expérience avec toi au moins 10 secondes.
- Ensuite, tu peux constater un trait positif de la personnalité de ton conjoint, ton frère, ta mère, ton collègue, et associe-le ou la à ce trait.
- Tu peux tenir un journal de la gratitude.
- Finalement, consulte régulièrement ta boîte à bons souvenirs.
Article très intéressant. Merci
Mais je t’en prie 🙂