Qu’est-ce que le biais de confirmation et comment convaincre quand la porte est fermée ?
T’est-il déjà arrivé d’avoir une conversation animée avec quelqu’un, qui s’est peu à peu transformée en un concours à celui qui crie le plus fort, parce que quels que soient les arguments que tu offres, les preuves que tu présentes, l’autre refuse de les entendre ?
Il se trouve qu’il y a un nom pour ce phénomène : le biais de confirmation d’hypothèse. C’est le fait de n’accepter que les informations qui confirment nos hypothèses, nos convictions, nos idées reçues. On donne plus de poids aux informations qui confirment ce qu’on pense déjà. Et on minimise, ou refuse les nouvelles informations, qui viennent contredire ce qu’on pense.
On est tous victime du biais de confirmation, chacun à son propre niveau. Mais alors, penses-tu, comment ai-je fait pour argumenter, négocier, convaincre jusque maintenant ? Comment la vie en société est-elle possible si ce biais existe vraiment ? Il semblerait que ce biais ne soit actif que lorsqu’on aborde des sujets qui nous touchent au plus près, qui sont des points sensibles pour nous.
Alors comment faire, quand tu as besoin de trouver un compromis avec quelqu’un qui a l’air de se fermer à chacune de tes tentatives ? Comment faire pour changer son avis ?
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A suivre ...
Manifestations du biais de confirmation
Le biais de confirmation apparait autour de questions de nature affective, qui ont une grande importance pour nous. Ou bien d’opinions fermement établies, que nous considérons comme faisant partie de notre identité. L’un de ces éléments qui définissent qui nous sommes et qui compose nos valeurs.
Mais il se manifeste aussi dans des actions anodines, de la vie quotidienne.
Ce biais cognitif peut se manifester de différentes manières :
- à travers la mémoire : on se rappelle des informations de manière sélective, on se souvient plus facilement de celles qui confirment notre conviction ou opinion,
- on s’informe de manière sélective, on préfère se diriger vers des journaux, des sites internet, des blogs, qui ont prouvé par le passé qu’ils sont de notre orientation politique, qu’ils montrent les mêmes valeurs de les nôtres,
- à la recherche d’une information, on pose une question de manière à ce que la réponse soit une affirmation de son hypothèse de départ,
- on fixe des exigences plus strictes pour les hypothèses qui vont à l’encontre de notre opinion, il nous faut des preuves extrêmement solides avant d’accepter de remettre en question notre opinion établie, alors que nous acceptons des preuves bien plus faibles quand elles vont dans le sens de notre opinion,
- on interprète une réaction : un collègue n’a pas répondu à ton mail, mais tu sais qu’il est en communication avec une autre collègue. Tu en conclues qu’il te snobe et tu te mets à te comporter comme si cette hypothèse était vraie, tu ne considères pas d’autre possibilité.
Origine du biais de confirmation
Une première explication de l’existence de ce biais cognitif pourrait être le désir ou l’envie. On désire que notre opinion soit la bonne, la plus juste. L’opinion que nous avons formée nous apporte réconfort, validation, certitude. Et il nous est insupportable de remettre ces sensations agréables et valorisantes en question. Du coup, les conclusions, les preuves qui viennent valider notre pensée nous paraissent beaucoup plus justes, solides, réelles, que les preuves qui la contredisent.
Une autre explication possible serait l’analyse coût-avantage, utilisée pour évaluer les coûts d’un projet face aux bénéfices. Mais il semblerait que ce principe puisse s’appliquer à la prise de décision d’un ordre plus émotionnel ou cognitif. Dans le cas qui nous intéresse, le coût du changement d’opinion est évalué comme étant supérieur au bénéfice potentiel de la nouvelle opinion.
Aussi, la peur de l’erreur pourrait entrer en jeu. Si j’admets que mon opinion doit être changée, cela revient à dire que je faisais fausse route jusque maintenant. Que j’ai fait une erreur. Mais alors, sur quels autres sujets je fais erreur ? Et la quasi totalité de mon système de pensée est remise en question, et cela est insupportable, ce qui est compréhensible.
Il y aurait aussi une explication cognitive. Tous les jours, le cerveau doit gérer une quantité impressionnante d’information, qui viennent s’ajouter aux informations déjà enregistrées. Notre cerveau a donc naturellement mis en place des stratégies pour gérer ces informations, des raccourcis. Dans la mesure où il est limité à une idée à la fois, il va traiter en priorité avec les informations qui arrivent le plus facilement et rapidement, et ce sont celles qui sont déjà bien installées.
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L’évitement de la dissonance cognitive
Le biais de confirmation est une stratégie pour éviter la dissonance cognitive.
A l’occasion de la sortie d’un documentaire (Leaving Neverland) sur les accusations à l’encontre de Michael Jackson d’abus sexuel sur des enfants, le Dr Hubert van Gijseghem, psychologue, est intervenu à la télévision québécoise (voir la vidéo) pour parler de la réaction de la fille de Michael Jackson et de ses fans qui s’obstinent à le défendre et à prétendre que ces accusations ne sont que des calomnies. Le docteur explique cette obstination de la manière suivante :
« Quelqu’un qui croit quelque chose, et on lui amène des preuves ou des quasi-preuves du contraire, ce quelqu’un s’accroche presque toujours à sa croyance première. Ça s’appelle l’évitement de la dissonance cognitive. Quand on a une croyance à laquelle on tient beaucoup, qui est vitale pour nous, et on nous dit « non, non, t’as pas raison », à ce moment là, on perd facilement notre consistance, notre vision de nous-même, notre consistance cognitive. Et on tente d’éviter ça. Et alors il y a une augmentation de la croyance, une intensification de la croyance. »
Il apporte un deuxième exemple, tout aussi parlant et fascinant, de ce phénomène :
« C’est un psychologue dans les années 50, Festinger, qui a proposé ça dans un livre « Quand la prophétie s’écroule » (When Prophecy Fails, traduction L’échec d’une prophétie). Il avait étudié une petite secte qui croyait que tel soir, Dieu allait atterrir dans une soucoupe volante sur telle montagne. Tout le monde était là, ça avait été très médiatisé. Evidemment, Dieu n’est pas venu. Normalement, ça aurait dû être la grande déconfiture. Et non. Il n’y a aucun membre de cette secte qui est parti. Il y a eu un militantisme qui s’est créé, et c’est devenu une des plus grandes sectes religieuses aux Etats-Unis. »
Lorsqu’une croyance est suffisamment solide en nous, lorsqu’elle est fondatrice de notre identité, on veut continuer à croire ce qu’on croyait. Même quand on nous présente des preuves du contraire. Parce que remettre notre opinion en question revient à remettre en question notre intégrité psychologique.
Pourquoi vouloir changer ma propre opinion ?
Après tout, elle m’a bien servi jusque là …
Mais tu te rends compte que dans ta vie professionnelle, comme dans ta vie privée, il est important de pouvoir se mettre dans les baskets de l’autre. De comprendre son point de vue afin de pouvoir négocier et trouver un compromis.
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Et puis n’y a-t-il pas une petite voix dans ta tête qui te dit que peut-être tu es en train de passer à côté de quelque chose, d’une information importante ? Que peut-être tu es aveugle à quelque chose, que quelque chose se trouve dans ton point mort ?
Essaye !
Comment envisager un nouveau point de vue contre lequel on se rebelle ?
- Que veut dire ta croyance pour toi ? A quel point est-elle importante pour toi ? Ecris tout ce qui te vient à l’esprit.
- Considère ta peur de l’erreur. Qu’est-ce que ça voudrait dire, si tu avais tort ? Serait-ce vraiment une catastrophe ? Imagine le pire et réévalue la validité de ta pensée catastrophiste.
- Pourquoi rejettes-tu la nouvelle croyance ? Note toutes les raisons.
- Quels pourraient être les bénéfices d’accepter la nouvelle croyance ?
- Essaye de privilégier une attitude de curiosité plutôt qu’un besoin d’avoir raison.
- Si tu accordes de l’importance au symbolique, écoute de la musique qui te donne une attitude positive pendant que tu réfléchis à tout cela, et lave-toi les mains après.
Comment changer l’avis de quelqu’un qui est fortement attaché à sa croyance ?
- Il peut être tentant, quand on voit quelqu’un en face de nous se fermer comme une huitre à tout argument, de lever la voix et de parler plus fort, voire de se mettre à hurler, mais c’est à éviter à tout prix !
- Quel type de relation as-tu avec la personne ? Y a-t-il de la confiance entre vous ? Essaye de comprendre pourquoi l’autre est fermé(e) à l’idée d’envisager tes arguments. Cela touche-t-il à quelque chose de fondamental pour lui / elle ?
- Quels seraient les bénéfices si l’autre changeait d’opinion ?
- Y a-t-il une valeur que vous avez en commun, qui se rapproche du sujet de votre désaccord ? Repose-toi dessus.
Super intéressant cet article, merci Aline 🙂
C’est tellement important d’être capable de prendre un peu de distance avec notre manière automatique de fonctionner, et d’éventuellement remettre en cause certains schémas… mais pas facile ! N’empêche que cela fait de nous de meilleurs êtres humains et rend notre vie et celle des autres plus agréable 😉
Pas facile, en effet … Puisque c’est un processus automatique et inconscient ! Mais en prenant un peu de recul, et en ayant conscient de l’existence de ce phénomène, on peut arriver à trouver un commun accord, et améliorer notre vie avec les autres, comme tu le dis !
Bonjour Aline, je lis ton article et je m’interroge; C’est un sujet du quotidien auquel on est tous confrontés. En ce qui concerne la dissonance cognitive c’est un sujet qui me touche et pour affronter ses croyances il faut pousser la curiosité pour avoir son propre point de vue et Oui ça fait mal de voir clair mais c’est que du Bonheur pour se rapprocher de ses valeurs!
La curiosité est la qualité la plus importante dans ce cas, c’est vrai. D’autant plus que la curiosité a une connotation positive : il est bien plus facile d’adopter une attitude curieuse que de se dire qu’on va devoir se forcer à voir les choses différemment. Alors activons notre attrait naturel pour le mystère et soyons curieux !
Très intéressant, ça apporte une bonne compréhension du sujet ! En tant que végé, je suis souvent confrontée à cette situation 😉 je regrette que tu n’aies pas approfondi davantage les moyens de convaincre, mais en fait c’est juste parce qu’il n’y en a tout simplement pas 😂
Y a-t-il d’autres moyens pour convaincre ? J’accepte le défi ! Je me le note pour faire un article plus détaillé sur le sujet !
Il y a une autre solution : traduire les opinions en besoins, car tout jugement, évaluation, croyance, n’en sont que la tragique (car elle ne permet pas de se relier à ce que vit la personne) expression. Se déconditionner des opinions/jugements et distinguer celles-ci des faits (enregistrables). Ainsi, par exemple, affirmer que M. Jackson était un pédophile, n’est pas un fait. Regardez du côté de la Communication NonViolente du psychosociologue Marshall Rosenberg.