Comment faire de la rêverie une qualité ?
« Aline est une élève rêveuse ». C’est probablement le commentaire le plus souvent mentionné dans mes bulletins d’école. Rêver était probablement mon passe-temps favori. Alors, la rêverie, qualité ou défaut ?
Je ne suis pas tout à fait sûre de l’interprétation à donner à ce commentaire de bulletin. Mes souvenirs sont vagues, je ne sais pas si mes professeurs mentionnaient cet aspect de mon caractère comme étant une qualité ou un défaut. Mais j’ai l’impression qu’on a un peu tendance à voir la rêverie comme un défaut. Il est malheureusement interprété comme synonyme de « a des difficultés à se concentrer », ou « ne fait pas assez attention ». Mais en quoi est-ce un problème ? Et comment le transformer en solution ?
Cet article a été écrit à l’occasion d’un événement inter-blogueur organisé par le blog Des outils pour apprendre. Le thème de cet événement était « Quel élève étiez-vous, qu’est ce qui aurait pu faciliter votre apprentissage à l’école ou à la maison ? Des blogueurs reviennent sur leurs souvenirs d’écolier. » Je t’invite à découvrir ce blog en lisant l’article 8 outils pour transformer le stress en motivation.
A suivre ...
Les définitions : à la fois qualité et défaut
En vérifiant les définitions de l’adjectif rêveur, on se rend compte que celui-ci est bel et bien à la fois qualité et défaut. Le Larousse n’y voit que du défaut, malheureusement : « qui se complaît dans des pensées vagues ou chimériques ». Le CNTRL tend vers la connotation négative, mais lui reconnaît quelques aspects plutôt positifs : « qui se laisse absorber par la beauté, le charme, la profondeur de quelque chose ; qui réfléchit d’une manière détendue et tranquille, qui songe. ». Et l’Encyclopédie Universalis utilise l’adjectif dans ses articles « Imaginaire et imagination » (que j’interprète comme étant positif, puisque essentiels à la créativité) et « Utopie » (que j’interprète comme étant négatif, puisque l’utopie s’éloigne du réel et s’attache à l’impossible).
Rêver, une tendance incontrôlable
En considérant ces définitions, je me dis que je devrais peut-être considérer que ces remarques de bulletin scolaire penchaient plutôt vers la critique ! Pas catastrophique, mais une légère remontrance, ce qui est frustrant pour deux raisons.
Premièrement, c’était, et c’est encore, un comportement hors de mon contrôle. Je ne me rendais pas compte que mon esprit partait tout seul à l’aventure. Je réalisais, après quelques minutes, ou après que quelqu’un m’a fait une remarque, que je n’étais pas « présente », et que j’avais manqué quelque chose.
Deuxièmement, se voir reprocher quelque chose qu’on ne contrôle pas sans qu’on nous explique comment faire pour s’améliorer est plutôt pénible. Quand on est enfant (et souvent quand on est adulte aussi d’ailleurs) on n’a pas les outils nécessaires pour se corriger si on ne nous explique pas exactement comment le faire. Je regrette qu’on ne m’ait pas appris une ou des méthodes pour réussir à maîtriser ce comportement qui était instinctif pour moi.
Trop rêver éloigne des autres
D’ailleurs, j’ai l’impression que cette tendance à la rêverie a été plus un problème dans ma relation aux autres que dans mon apprentissage. Je suis probablement passée à côté d’un certain nombre de savoirs théoriques, mais j’ai pu les retrouver par moi-même, dans les livres, par la suite.
Je me rends compte, maintenant, que l’apprentissage qui m’a le plus manqué à l’école était celui de l’intelligence émotionnelle, celui d’apprendre comment « être » avec les autres. J’étais trop souvent « dans mon monde », en retrait, ce qui fait que je suis passée à côté de beaucoup de leçons sur la relation aux autres, qui ne sont qu’enseignées « au hasard », d’ailleurs. Il me semble que cet apprentissage social est trop implicite. Nos parents nous enseignent quelques éléments de manière ponctuelle (dis bonjour et merci, sois poli, …). Avec nos amis nous apprenons comment communiquer, mais nous apprenons ensemble, de manière inconsciente. Nos professeurs nous enseignent quelques règles de savoir-vivre, mais c’est en relation avec d’autres matières (travaux de groupes, sports d’équipe, etc.). Nous ne recevons aucune formation explicite et formelle aux aptitudes sociales.
Enseigner la conscience de soi à l’école
Daniel Goleman, journaliste et psychologue, nous a démontré, dans son livre Intelligence Emotionnelle, un fait étonnant. L’intelligence émotionnelle, cette capacité à se maîtriser et à avoir des rapports sains avec les autres, serait un meilleur indicateur de réussite scolaire et professionnelle que le QI (quotient intellectuel). Il serait plus important d’être intelligent émotionnellement que d’être intelligent intellectuellement pour réussir.
« Alors même qu’un QI élevé ne garantit ni la prospérité, ni le prestige, ni le bonheur, nos écoles et notre culture font une fixation dessus et ignorent l’intelligence émotionnelle, autrement dit l’ensemble des traits de caractère qui influent énormément sur notre destinée. »1
Concrètement, c’est quoi l’intelligence émotionnelle ? Daniel Goleman propose un tableau, dans le tome 2, qui détaille les cinq domaines principaux de l’intelligence émotionnelle : la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et les aptitudes sociales.
La conscience de soi, voilà une compétence qui m’aurait bien servie pour canaliser ma tendance à la rêverie !
4 astuces pour attirer les rêveurs
Alors comment faire pour remédier à la rêverie parfois trop désemparante ? Voilà donc quelques astuces, quelques pratiques qui m’ont permis de conquérir mon esprit et le ramener à l’instant présent.
1. Méditer régulièrement
La méditation a fait et continue de faire des merveilles pour moi. J’ai vu une réelle différence dans ma présence et ma capacité de concentration depuis que je médite régulièrement. Car c’est la régularité qui compte. Il vaut mieux méditer 5 minutes tous les jours que 2 heures le dimanche !
La méditation la plus efficace pour moi est celle qui consiste à me concentrer sur ma respiration. Je m’assois dans un coin tranquille, je ferme les yeux et je commence par observer ce qui se passe dans mon corps. Y a-t-il de la tension dans mes bras et dans ma nuque ? Est-ce que je sens des picotements ou des pulsations ? Puis je dirige mon attention vers ma respiration, ou plus précisément, vers le bas de mon ventre, c’est là que je ressens la respiration de la manière la plus concrète. J’observe et je ressens l’air entrer et sortir. Parfois je compte les inspirations et expirations. Et c’est tout ! Je fais ça pendant dix à quinze minutes., tous les jours.
A quoi ça sert ? J’ai remarqué que ça a appris à mon esprit à se focaliser. Mon esprit vagabonde, il pense à ce que je dois faire après, il se remémore un souvenir ou un rêve. C’est normal et inévitable. Ce qui est important, c’est de lui apprendre, quand je me rend compte de la divagation, à simplement et doucement abandonner sa petite fantaisie et à revenir à l’objet d’observation. C’est un entraînement, comme si je voulais développer un muscle.
2. Prévoir des temps de rêverie
Tout comme un muscle, ma capacité de concentration se fatigue. Je prévois donc des moments dans la journée et le week-end où je vais laisser mon esprit faire ce qu’il veut. Promenade, lecture, écriture, j’essaye de ne pas prévoir à l’avance exactement ce que je vais faire et je choisis sur le moment !
Ces moments sont non-négociables, je ne les sacrifie jamais. Comme je sais que je vais pouvoir me laisser aller à la rêverie à d’autres moments, j’arrive plus facilement à me concentrer le moment voulu.
3. Connaître ses besoins en sommeil
C’est inévitable, si je n’ai pas assez dormi, ou pas assez bien, je le remarque tout de suite dans ma capacité à me concentrer. Favoriser mon sommeil est donc devenu une priorité. Je sais de combien d’heures de sommeil j’ai besoin pour être en forme, et je mets en place des conditions pour que mon sommeil se passe bien. Par exemple, je sais qu’il faut que je me couche tous les soirs à la même heure. Je garde de préférence la fenêtre ouverte pour qu’il y ait une aération. Je ne regarde pas la télévision au lit, et je ne travaille pas dans la chambre. J’essaye de dormir dans le noir complet, même si c’est difficile en été !
4. Choisir un métier approprié
Pendant plus de dix ans, j’ai été professeur. J’ai enseigné le français comme langue étrangère. J’ai beaucoup aimé l’aspect créatif de ce métier, mais je n’ai jamais réussi à m’habituer au rythme. Donner un cours était pour moi complètement drainant. Il fallait que je me concentre sur plusieurs choses à la fois pendant une, deux, parfois quatre heures pour un même cours. Il fallait donner des explications, évaluer les réponses à mes questions, au niveau du sens et de la grammaire, je devais constamment communiquer de l’énergie et de la motivation, alors que j’étais souvent moi-même au bout de mes forces ! Non, ce n’est plus pour moi !
Si on m’avait appris l’intelligence émotionnelle à l’école, j’aurais peut-être été plus consciente de moi-même et de mes capacités, de mes forces et de mes faiblesses, et j’aurais su que l’enseignement n’était pas le meilleur choix. J’ai depuis appris à me connaître, et je me consacre maintenant à une carrière dans l’écriture (blog, rédaction web, traduction, fiction). J’explore différents types d’écriture et je me rends compte qu’en effet, ce domaine correspond bien mieux à mon esprit de rêveuse !
Et toi ? Es-tu un rêveur ou une rêveuse ? Comment vis-tu cet aspect de ta personnalité ? Comment la rêverie influence-t-elle ta vie de tous les jours et ta manière d’apprendre ?
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- Tome 1, chapitre 3, page 61. ↩
Bonjour Aline,
La rêverie peut être quelque chose de positif, surtout pour un enfant. Il me semble que l’on a besoin de ces temps de vagabondage pour que notre cerveau puisse digérer les événements que nous vivons (je crois que cela correspond au mode par défaut du cerveau selon les neurosciences. Il faudrait que je vérifie si cela correspond bien à cet état de rêverie que tu décris).
Je me demandais si créer des choses avec ses mains (bricoler, coudre, peindre) pouvait aussi être une solution pour aider les grands rêveurs à s’incarner. Qu’en penses-tu ?
Merci en tout cas pour cet article. Je note le conseil pour la méditation (je suis moi-aussi une grande rêveuse 😊
Johanna
Salut Johanna,
Je suis d’accord avec toi, vive la rêverie ! Surtout si on en est conscient et qu’on sait la naviguer.
Faire une activité manuelle, voilà une excellente idée, et une astuce supplémentaire. Comme la méditation, ça pourrait aider le cerveau à se focaliser.
Merci pour ton partage ! A bientôt,
Aline