Comment différencier auto-compassion et apitoiement sur son sort ?
L’auto-compassion est un concept qui se retrouve de plus en plus dans les livres et les blogs qui traient de développement personnel, et qui fait souvent froncer des sourcils. Alors que le concept de la compassion pour les autres est relativement clair à l’esprit, on voit de quoi on parle, l’idée d’avoir de la compassion pour soi-même demande une petite pause pour y réfléchir.
Avoir de la compassion pour soi demande que l’on examine des concepts « voisins » comme l’autocritique, l’estime de soi et l’apitoiement sur son sort. En effet, quand on suggère la nécessité d’avoir de la compassion pour soi, on peut se sentir mal à l’aise, et se dire qu’on risque de tomber dans le nombrilisme, l’auto-indulgence et la paresse. Après tout, l’autocritique est efficace, énergisante, motivante, stimulante, non ? Explorons !
A suivre ...
L’autocritique destructrice
Pour avoir des relations saines avec les autres, il est important d’avoir une relation saine avec soi-même. Trop souvent, on se traite très mal, bien plus mal qu’on traiterait quelqu’un de son entourage. « Je suis trop nul(le) », « mais quel con(ne) ! », « qu’est-ce que t’es bête », « je suis bon(ne) à rien » sont des critiques que nous nous faisons, et on en est bien souvent à peine conscient. L’auto-critique est malheureusement valorisée dans notre société, on croit faussement qu’elle va nous permettre de nous améliorer. Mais souvent, c’est le contraire qui se produit : on se sent mal, on veut éviter la négativité et on préfère mettre la tête dans le sable.
Ce dialogue intérieur autocritique et destructeur résulte d’un mécanisme du cerveau qui évalue en permanence ce dont nous sommes en train de faire l’expérience. L’autocritique est finalement un processus un peu tordu de protection : une volonté d’apprendre de nos erreurs pour ne plus les commettre.
Comment s’exprime l’apitoiement sur son sort ?
Pour éviter l’autocritique, ou y trouver une résolution, on peut facilement tomber dans certains pièges :
Adopter une mentalité de victime
« Le sort s’acharne sur moi ». « Ça n’arrive qu’à moi ». « Lui il roule à 200 à l’heure et c’est moi qui me prends un PV ». « C’est une injustice ». Ces pensées relativement répandues ont le désavantage de nous séparer du reste du monde. En plus d’être incorrectes, elles nous isolent, et nous poussent à nous couper du monde.
Etre submergé(e) par le sentiment d’impuissance
C’est l’étape suivante, et elle est logique : si le sort s’acharne sur moi, j’ai le sentiment de ne rien pouvoir faire pour m’en sortir, et je me sens incapable de supporter les épreuve de la vie, ni d’assumer des responsabilités.
Avoir une attitude défaitiste
D’ailleurs, peu importe ce que je fais, je ne m’en sors pas. A quoi bon essayer, alors ? Il vaut mieux laisser tomber.
Ruminer
Ces pensées et émotions négatives sont particulièrement désagréables, et le cerveau a besoin d’y trouver une résolution. Alors il se met à ruminer. Il nous rappelle régulièrement la mauvaise expérience, il l’apporte sans relâche à notre conscience, encore et encore, l’air de dire « eh ! ce problème n’est pas résolu, il faut trouver une solution. »
Se plaindre aux autres
Comme notre cerveau ne nous laisse pas tranquille, qu’il nous martèle avec les mêmes pensées, on ne peut pas s’empêcher de parler de nos problèmes à notre entourage. Et d’en reparler. Et d’en reparler encore. On recherche leur pitié de manière un peu frénétique, comme si elle allait pouvoir soulager le tambourinement intérieur.
Une séparation de nos proches
Ce qui finit par nous isoler de notre entourage. Pour trois raisons. La première est qu’après tout, nous entendre toujours parler de la même chose va les éloigner, c’est naturel. La deuxième vient de la pensée que nous avons eu sur le coup de l’événement : « Le sort s’acharne sur moi ». « Ça n’arrive qu’à moi ». Comme si nos proches n’avaient pas eux aussi leurs problèmes, et c’est la troisième raison : on finit par oublier les ennuis de nos proches.
Une prison invisible.
A ce stade, il devient extrêmement difficile de prendre du recul : on devient prisonnier(e) de nos émotions, on a le sentiment qu’elles s’acharnent sur nous et qu’on ne peut rien faire, là non plus, pour s’en sortir. On est captif de la tornade.
Un déni de soi
On ne se voit plus comme un être complexe qui vit des hauts et des bas, qui connaît des expériences naturelles du cours d’une existence. Je me définis par ma souffrance. Je suis ma souffrance et rien d’autre.
Alors comment combattre l’apitoiement ? En cultivant l’estime de soi ?
Le piège de la course à l’estime de soi
Nous vivions dans une société relativement compétitive. Pour maintenir notre estime de soi, nous ressentons le besoin de nous comparer aux autres. Malheureusement, ça nous fait courir le danger de vouloir se prouver à soi-même qu’on vaut mieux que les autres. On insiste sur nos différences, on veut prouver qu’on sort du lot, qu’on est spécial. Et ça devient la condition pour se sentir bien et se valoriser. Le risque est alors de développer une tendance au perfectionnisme et au narcissisme.
Nos efforts pour remonter notre estime de soi nous poussent donc à nous distancier des autres. Souvent, on doit dresser un portrait négatif des autres pour pouvoir se sentir supérieur(e) par contraste. Le succès des autres nous fait nous sentir mal par rapport à nos échecs. Aussi, avoir une haute estime de soi dépend trop des circonstances, elle repose sur des conditions qui ne sont pas toujours sous notre contrôle : la dernière réussite ou le dernier échec.
C’est le désavantage de vivre dans une société qui valorise l’indépendance et le succès personnel. On est sous l’obligation d’atteindre continuellement nos objectifs, et si on échoue, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même.
C’est quoi l’auto-compassion ?
En comparaison, si on pratique les principes de l’auto-compassion plutôt que de rechercher à avoir une haute estime de soi, on ne se concentre par sur l’idée de valeur. La compassion n’est pas un jugement ou une évaluation. Il n’est pas nécessaire de sentir meilleur ou moins bon que qui que ce soit. Il ne s’agit pas d’atteindre des objectifs ou d’être au-dessus de la moyenne.
Kristin Neff, dans son livre S’aimer : Comment se réconcilier avec soi-même relève trois dimensions de l’auto-compassion :
- Etre conscient de l’expérience présente. Quelle que soit la mauvaise expérience ou l’émotion négative, il s’agit de l’accueillir et de l’accepter. De ne pas essayer de la repousser ou de l’ignorer, tout en réalisant le caractère éphémère de toute expérience ou émotion. En d’autres mots, ça finit toujours par passer.
- Etre aimable avec soi-même. Au lieu de tomber dans l’autocritique, se donner du réconfort. Que dirait-on à un(e) ami(e) proche qui serait dans la même situation ?
- Réaliser le fait qu’on est pas seul dans la même situation. Ce que je suis en train de vivre, d’autres l’ont vécu avant moi, et d’autres le vivront après moi. Je participe à l’expérience humaine commune. Je me sens connecté(e) aux autres de cette manière.
Concrètement, comment différencier auto-compassion et apitoiement sur son sort ?
Imagine la situation suivante : tu viens de passer un entretien d’embauche pour un boulot que tu voulais vraiment et on te dit que tu n’as pas été retenu(e).
Apitoiement : Personne ne veut de moi, je ne suis pas suffisamment compétent(e). De toute façon, je suis trop nu(le), je trouverai jamais un boulot que j’aime vraiment.
Compassion : Ce refus fait vraiment mal. Il va falloir que je me donne du temps pour m’en remettre. Je vais regarder mon film préféré ce soir pour me changer les idées. Je peux même inviter mon ami à le regarder avec moi. On était trois finalistes sur le poste, j’espère que l’autre personne qui a été refusée arrivera à se remettre du refus, elle aussi.
Pourquoi l’auto-compassion est-elle importante ?
La tendance à l’autocritique est quelque chose d’assez répandu, automatique et relativement inconscient. Celle-ci renforce notre biais de négativité (la tendance à donner plus de valeur aux informations négatives).
A lire aussi Qu’est-ce que le biais de négativité et comment le combattre ?
L’un des aspect de l’intelligence émotionnelle est la capacité de surveiller, d’écouter ses propres émotions. Et d’utiliser l’information pour guider ses pensées et ses actions. L’auto-compassion est l’une des techniques qui permettent de développer cette compétence.
Avoir cette compétence dans sa boîte à outil permet aussi de contrer le sentiment d’impuissance que provoque l’apitoiement sur soi. Et de retrouver de la force, et le sentiment d’avoir le pouvoir de changer les choses. On se prend en charge émotionnellement, on accepte la difficulté. On sait qu’on peut dépendre de soi et on retrouve de l’espoir.
Essaye l’auto-compassion en 5 étapes.
- Quel langage utilise-tu quand tu remarques un défaut ? Sois attentif(ve) et note les critiques que tu te fais.
- Lors d’une mauvaise expérience, reconnais ta souffrance, admets-la. N’essaye pas de l’éviter ou de te changer les idées tout de suite. Reconnais que les émotions vont et viennent, elles ne sont pas permanentes.
- Que dirais-tu si un ami / une amie était dans ta situation ?
- Demande-toi comment tu peux te calmer et te réconforter dans cet instant.
- Ouvre ton esprit aux autres personnes qui vivent ou ont vécu la même expérience que toi ou une expérience similaire. Ferme les yeux, pense à elles et envoie-leur ta compassion. Sens ta connexion aux autres à travers cette expérience profondément humaine.
Bonjour Aline, j’ai beaucoup aimé ton article ! Il va m aider à aider mes enfants ados.
Bonne continuation à toi et que Dieu te bénisse.
Selomita
Merci bien Selomita 😀 Une bonne continuation à toi aussi 👍🏼