Faut-il faire confiance à son instinct ?
C’est une question qui m’a parue intéressante quand j’y ai pensé, et donc je me suis dit que ça pourrait faire un article de blog intéressant.
Malheureusement, en faisant quelques recherches, je me suis rendue compte que sur ce sujet, on trouve tout et son contraire, de manière assez impressionnante.
Voyons si on peut y mettre un peu d’ordre.
A suivre ...
Définition
La première difficulté que j’ai trouvée : définir l’instinct. Selon le dictionnaire Larousse, c’est une « impulsion innée, automatique et invariable qui régit le comportement de tous les individus d’une même espèce. » Ou alors, c’est « un don, une disposition naturelle, une aptitude à sentir ou à faire quelque chose. »
Sauf que ce n’est pas vraiment ce à quoi je pensais. Je pensais plutôt à cette petite voix qu’on entend lorsqu’il s’agit de faire un choix ou de prendre une décision, celle qui nous guide et qui nous dit quoi faire, ou prend la décision à notre place. S’agirait-il plutôt de l’intuition ?
Alors regardons la définition de l’intuition : « sentiment irraisonné, non vérifiable qu’un événement va se produire, que quelque chose existe. » Heu … non, ce n’est pas ça non plus … « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement, à l’expérience », bon, on se rapproche, mais ce n’est pas exactement ça non plus.
Consultons un autre dictionnaire, le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales). Celui-ci nous dit pour l’instinct : « impulsion intérieure indépendante de la réflexion qui détermine les sentiments, les jugements, les actes d’une personne. » D’accord, là, on s’approche déjà plus. Mais on nous dit que l’intuition est la « connaissance directe et immédiate d’une vérité qui se présente à la pensée avec la clarté d’une évidence, qui servira de principe et de fondement au raisonnement discursif. » C’est vraiment proche, non ?
Si j’en crois ces deux définitions, l’instinct dirigerait plutôt les actes, et l’intuition plutôt la pensée …
Un grand désordre
Mais si on continue un peu les recherches, on se rend compte que certains sites utilisent les deux mots de manière synonyme, d’autres disent que l’instinct est inné, et l’intuition apprise. Un site nous dit qu’il faut faire la différence entre intuition et « petite voix » (ego, blessures, souffrances). Wikipedia nous informe que dans le langage populaire, le mot instinct est utilisé de façon abusive pour remplacer le mot intuition. Certains sites affirment que l’intuition est toujours bonne, et que si on se trompe, alors ce n’était pas de l’intuition. D’autres sites déclarent que l’intuition peut se tromper et nous mettre sur une fausse route.
Quel bordel !
Une chose est sûre, le sujet est à la mode. Les neurosciences s’y intéressent, la psychologie s’y intéresse. L’intuition résulterait d’une analyse rapide faite par le cerveau de toutes les petites informations sensorielles que nous captons et qui sont pour la plupart inconscientes.
Une question de personnalité
Selon le psychiatre Carl Jung, certaines personnes seraient plus intuitives que d’autres et cela dépendrait de leur personnalité. Celles qui sont intuitives laisseraient leurs pensées dominer leur expérience. Les émotions et pensées dirigent alors les décisions. Les autres préfèreraient baser leurs décisions sur les données et informations reçues « de l’extérieur ».
Une petite voix qui nous veut du bien
Albert Einstein donnait de la valeur à l’intuition, et considérait que celle-ci était à l’origine de ses découvertes. Ce que beaucoup d’entre nous appelleraient l’imagination, il appelait intuition : « Un bond se produit dans la conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez ni comment, ni pourquoi ».
J’ai lu une description similaire dans les écrits de personnes créatives, notamment auteurs de fiction, comme Stephen King ou Elisabeth Gilbert. Quand on leur demande d’où leur viennent leurs idées, ils ont tendance à en parler comme de quelque chose à l’extérieur d’eux, de presque mystique.
De même, le Net déborde de sites et blogs qui valorisent l’intuition et affirment qu’il s’agit d’une compétence à développer. Apprendre à s’écouter, être conscient de soi et de ses émotions, faire confiance à ses messages intérieurs, le mouvement se penche vers davantage d’attention à cette « petite voix ».
Un inconscient douteux
Mais voilà, le cerveau marche grâce à un grand nombre d’automatismes, et il ne sont pas tous fiables. Les biais cognitifs sont des phénomènes étudiés depuis longtemps et nous montrent que nos réactions automatiques et nos jugements ne sont pas toujours, voire rarement, justifiés ou corrects. Notre voix intérieure nous fait prendre des décisions, basées sur des expériences préalables, et ces décisions peuvent aller à l’encontre de notre propre intérêt.
A lire aussi : Qu’est-ce que le biais de négativité et comment le combattre ?
Deux processus complémentaires
« L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » (Albert Einstein)
C’est vrai que la tendance majoritaire est plutôt de donner de la valeur à l’esprit rationnel, et de dire que les émotions sont des indicateurs très peu fiables. Mais la tendance a l’air de s’inverser : nous commençons à reconnaître que les émotions ne sont pas des réactions aléatoires et incertaines qu’il vaut mieux ignorer, modifier ou corriger grâce à l’esprit rationnel. Elles sont des indicateurs utiles qu’il serait bon de considérer lors de l’évaluation d’une situation.
Et l’intuition serait une voix intérieure qui combine pensées conscientes et informations enregistrées d’expériences passées. A l’arrivée de nouvelles informations (données et/ou émotions) contredisant les anciennes convictions, celles-ci sont modifiées. Le cerveau réévalue et recalcule constamment.
Conclusion
Quel que soit le nom qu’on lui donne, l’intuition, l’instinct, la petite voix, se développe, prend place sur un plan inconscient. Parfois utile et juste, elle nous guide vers une bonne décision. D’autres fois biaisée et inexacte, elle est l’expression de nos peurs et le résultat de nos mauvaises expériences.
Il serait donc utile de faire une pause et de se demander, de temps en temps, si l’impulsion qu’on ressent nous sert réellement ou non.
Je crois que c’est une voix qu’il faut écouter. Après, libre à nous de choisir ce que nous en faisons, mais au moins avoir conscience de ce notre intuition nous dit.
Ça me fait penser à notre rapport au corps, que l’on oublie souvent aussi d’écouter et qui est parfois là pour exprimer nos intuitions, ressentis, émotions. Connais-tu le livre de Michel Odoul ‘Dis moi où tu as mal je te dirai qui tu es !), très très intéressant
Bonjour Valentine, merci pour le conseil de livre, je le mets dans ma liste de lecture 🙂
Il faut savoir faire confiance en son instinct mais toujours garder auprès de soi sa conscience, quelques pas derrière soi. Pour ne pas sombrer dans l’obstination si les choix instinctifs ne sont pas bons.
Comme pour tout ce qui est utilisé à l’excès, il y a des inconvénients.
Merci en tout pour ce bel article qui fait nous poser les bonnes questions.
Tout à fait d’accord !
Merci Jung 🙂
Très bonne réflexion.
Je la rapprocherais avec le jugement aussi. J’ai très souvent vu des personnes de mon entourage donner un jugement d’une personne en ne la regardant que quelques secondes. Quand je le leur fait remarquer, elles me disent que c’est de l’instinct.
J’ai aussi remarqué que généralement elles avaient tord. Elles se raccrochent au peu de fois où elles tombent juste.
Question épineuse, le jugement 🙂
D’un côté, leur réaction instinctive est naturelle et automatique (le processus est très bien décrit dans le livre de Daniel Goleman, Cultiver son intelligence relationnelle). Et d’un autre, il s’agit en effet d’une réaction façonnée par nos expériences et nos déceptions, ce qui la rend peu digne de confiance … Toute la subtilité se trouve dans notre capacité à avoir conscience de la manière dont nous sommes façonnés …