Comment apaiser une émotion violente ?
Peur, colère, jalousie, beaucoup d’entre nous ont déjà été submergé par une émotion particulièrement violente. Dans ces moments, nous avons très peu de conscience de émotions et de nos actions, et apaiser une émotion violente peut relever de l’impossible. Mais voilà, nous avons fait nos recherches, et nous savons que maîtriser nos émotions, garder le contrôle de nous-même est une compétence valorisée dans le monde professionnel. Nous avons conscience que se laisser emporter par une forte émotion ne nous aide pas dans notre vie de tous les jours. Et nous aimerions bien acquérir cette compétence. Alors comment faire pour ne pas se laisser enflammer ?
A suivre ...
Pourquoi et comment je suis emporté par une émotion violente ?
Pour arriver à maîtriser une émotion violente, encore faut-il comprendre ce qui se passe en nous. Quels sont les mécanismes qui se mettent en place ?
Les deux systèmes de pensée
J’ai fait mes petites recherches, et je base l’explication qui suit sur les ouvrages de Daniel Goleman et Daniel Kahneman.
Notre cerveau opère sous deux systèmes de pensée : le système lent et le système rapide. Le système lent est contrôlé par le cortex, qui est le centre de commande de notre cerveau. Cette zone est responsable quand nous réfléchissons, quand nous pesons le pour et le contre. Elle est à l’oeuvre quand nous apprenons quelque chose de nouveau, ou quand nous menons une conversation avec quelqu’un. C’est la partie du cerveau qui fait de nous un être pensant, réfléchi et capable de progrès.
Le système rapide est géré par le système limbique et prend le dessus quand notre survie est menacée. Quand nous devons prendre une décision en une fraction de seconde, les lobes frontaux, qui ont besoin de peser le pour et le contre d’une décision, en sont incapables. Daniel Kahneman nous apprend que le système rapide n’intervient pas seulement dans le cas d’une menace, mais aussi dans d’innombrables situations de la vie quotidienne. En effet, nous prenons très souvent des décisions basées sur l’envie et l’intuition. Celles prises sur un « coup de tête » sont bien plus nombreuses qu’on ne l’imagine.
Le système lent est conscient et délibéré, alors que le système rapide est inconscient et impulsif.
Les accidents de la vie
Il semblerait que nous soyons particulièrement sensibles aux chocs psychologiques. Si nous subissons un traumatisme, celui-ci « s’inscrit » dans notre cerveau et nous rend plus vulnérables aux provocations futures.
Dans son article « Le cerveau émotionnel ou la neuroanatomie des émotions », Françoise Lotstra nous explique que « chaque émotion est corrélée à un circuit neuronal spécifique, sélectionné au cours de l’évolution ». Elle cite une étude réalisée, qui montre une activation exagérée de l’amygdale chez les personnes souffrant d’anxiété, de dépression, de phobie sociale et de stress post-traumatique. « Au premier stade du développement cérébral, les traumatismes marqueraient de façon indélébile l’amygdale. » Si le traumatisme, petit ou grand, n’est pas traité, nos circuits neuronaux émotionnels restent plus aisément excitables, plus sensibles aux fluctuations des ambiances extérieures. Et notre colère, notre peur, sont activés plus rapidement et intensément.
Qui peut se vanter de n’avoir jamais subi de choc ? Nous avons probablement tous été face à des situations plus ou moins angoissantes au cours de notre vie : cela nous a rendu sensibles aux déclics qui peuvent provoquer en nous des émotions violentes.
Pourquoi vouloir apaiser une émotion violente ?
Contrôler une émotion c’est l’étouffer ?

Il peut exister une confusion entre l’idée d’apaiser une émotion, de la contrôler et l’idée de la réprimer. Réprimer une émotion serait une volonté de l’ignorer, de faire comme si elle n’était pas là. On tente de continuer comme d’habitude, jusqu’à ce que ce ne soit plus possible. A l’inverse, vouloir calmer une émotion, c’est prendre conscience de sa présence et de sa force, pour ensuite faire le choix volontaire de ne pas y réagir. Aussi, il est très possible que le degré d’intensité avec lequel nous ressentons l’émotion vient du fait qu’on essaye de l’ignorer ou de la refouler. Il est donc important de savoir calmer une émotion tout en lui donnant toute notre attention et en lui attribuant une place appropriée.
On peut penser que ne pas réagir à une émotion n’est pas sain, que ce qu’il faut faire au contraire c’est la laisser s’exprimer sans entraves. Le problème étant que sous l’emprise d’une émotion forte, nous perdons rapidement le contrôle, voire notre conscience. La réactivité prend le dessus, et nous ne réalisons ce qui s’est passé que par la suite. Nous disons des choses, faisons des choses que nous pouvons regretter.
Additionnellement, nos émotions peuvent avoir une telle force qu’il arrive que nous en ayons peur. Et si nous n’y portons pas l’attention nécessaire, nous passons à côté d’une foule d’informations utiles. Nos émotions nous indiquent ce que nous pensons d’une situation. Nous renseignent sur l’attitude à adopter à l’avenir. Nous servent de radar pour faire nos choix et prendre nos décisions.
Nos émotions nous appartiennent
La première étape pour apprendre à contrôler nos émotions serait de comprendre que nous en sommes responsables. Combien de personnes justifient leur violence par des « elle l’a cherché », ou « il m’a pris la tête », ou « je n’ai fait que répondre à la provocation » ? Or, si on regarde d’un peu plus près, on se rend compte que quelle que soit la provocation, notre manière d’y réagir nous appartient.
Comment réagis-tu au sarcasme ? Tu le prends peut-être comme un défi : tu cherches une manière encore plus grinçante de répondre. Ou alors tu le prends comme un manque de respect et tu réponds par une insulte. Ou encore tu décides de ne pas entrer dans le jeu et tu abandonnes la communication.
Nous réagissons tous de manière différente. Notre réaction va dépendre de nos expériences avec le sarcasme, de ce que nous avons identifié comme acceptable et inacceptable pendant notre enfance et au contact de notre entourage. Nous avons tous nos « déclics », ces stimuli bien personnels qui vont activer telle ou telle réponse en nous.
Comme ces réactions sont personnelles, ça veut dire que nous en sommes pleinement responsables, et nous avons le pouvoir de les changer.

Aborder une émotion violente
Contourner la rumination
Le truc c’est donc d’arriver à être pleinement conscient de l’émotion, à la ressentir intégralement, sans pour autant la laisser s’emparer de nous et dicter nos réactions. Impossible ? Ça semble particulièrement laborieux, voire même infaisable.
Mais je suis là pour témoigner de la chose suivante : c’est possible ! C’est un processus lent et imprévisible, mais accessible ! J’avais, et j’ai toujours, beaucoup de difficultés avec la colère. Il arrive que la colère reste avec moi pendant plusieurs jours suite à un événement qui a touché l’un de mes déclics. Dans ces moments-là, je rumine. Je repasse encore et encore la scène ou la situation dans ma tête, j’essaye de trouver des mots pour exprimer la violence que je ressens et je suis envahie de pensées auto-critiques.
Essayer de me changer les idées en « pensant à autre chose » ne fonctionne pas. Ni regarder un film que j’aime. La rumination finit par revenir, invariablement. En général il faut que je trouve une activité qui m’implique totalement, qui engage mon corps et mon esprit. Comme aller marcher en écoutant un livre audio ou un podcast. En revenant, la colère est encore là, mais elle est moins intense.
Accepter l’expérience humaine
Je trouve que le plus difficile avec les émotions les plus intenses, c’est le fait d’accepter leur présence. Immanquablement, quand je ressens de la colère, de la peur, du regret, de la honte, il y a une pensée qui me traverse l’esprit de manière répétitive. Elle me dit quelque chose du genre « Ceci est inacceptable. Je ne devrais pas avoir à ressentir cela. Les choses ne devraient pas être comme ça et on m’a fait du tort. »
On refuse ce qui fait mal, et on veut s’en éloigner, c’est instinctif. On veut se débarrasser d’une émotion désagréable, ça semble naturel. Sauf qu’apparemment, c’est contre-productif. Il y a un prof de médiation que j’aime écouter, Elisha Goldstein, qui a l’habitude de dire « ce à quoi on résiste, persiste. » Et c’est tellement vrai. Si on essaye d’ignorer ce que notre cerveau présente à notre conscience, le cerveau va nous le rappeler plus tard, encore et encore, et de plus en plus intensément. Il n’abandonne jamais !
Et rendons-nous compte : toutes les émotions font partie de l’expérience humaine, les bonnes comme les mauvaises. Nous les ressentons tous. Et si nous trouvons un moyen pour mieux ressentir les mauvaises, notre expérience humaine globale sera meilleure !
Une source d’information
Qu’est-ce que je peux faire de l’émotion, après l’avoir acceptée ? Si je décide de ne pas y réagir, il faut bien que j’en fasse quelque chose ! Et bien tu peux l’utiliser comme source d’information.
- D’où vient ta colère ?
- Comment a-t-elle été provoquée ?
- Quel était le déclic ?
- Pourquoi ressens-tu de la colère suite à ce déclic ?
- Qu’est-ce que ça t’apprend sur ton histoire et ta personnalité ?
Une émotion est passagère par nature
Ça c’est aussi un point difficile pour moi. Quand tu ressens la même émotion pendant des jours, voire des semaines, c’est compliqué de se souvenir de moments où tu ne ressentais pas cette émotion ! Pourtant c’est vrai, elle finit toujours par s’estomper. Il existe beaucoup de méditation guidées (sur internet, sur applis pour smartphone) qui peuvent t’aider à prendre conscience de ça. L’image la plus évocatrice pour moi est celle du nuage. Il s’agit de se visualiser l’émotion comme un nuage qui traverse lentement le ciel. Il change de forme, il fluctue, pour finir par se désagréger ou disparaître à l’horizon.
Eviter le jeu de la responsabilité
Quand on ressens une émotion violente, on a souvent besoin de trouver un responsable. Placer la faute sur quelqu’un (soi-même ou quelqu’un d’autre) ou une situation. Même s’il est souvent sain et nécessaire d’attribuer une responsabilité, ce n’est pas utile à ce stade, pas si tu souhaites voir les choses de manière la plus objective possible. A ce stade, ça peut être une manière d’éviter de ressentir l’émotion.
Trouver une méthode de relaxation qui te convient
Pour moi, c’est la méditation ; la méthode a fait ses preuves. Qu’est-ce qui te calme ? Y a-t-il une activité que tu as toujours voulu essayer ? Yoga, arts martiaux, écriture, jouer avec ses enfants, avec son chien, … Essaye différentes activités …
A lire aussi : Comment et pourquoi méditer ?
Et : Pourquoi et comment se mettre à l’écriture ?

Pour tranquilliser la colère
Pour beaucoup, faire de la boxe, détruire un coussin, taper dans un punching ball peut sembler une bonne solution pour se défouler et relâcher l’énergie que l’émotion semble avoir accumulé en nous. Mais il faut garder à l’esprit que ces activités risquent d’exacerber la colère et la maintenir en vie par la rumination … Il pourrait être plus sain de pratiquer un art martial qui cultive une philosophie de la bienveillance et du respect.
Pour dompter la peur
Comme la colère, la peur peut nous rendre aveugle à la complexité de la situation et nous empêche de voir les choses clairement. Essaye donc de prendre le temps de regarder ta peur et de comprendre d’où elle vient. Ensuite, décompose-la en différents sous-éléments et trouve des manières de la surmonter pour chacun de ces éléments.
Pour modérer le désespoir
D’après mon expérience, le désespoir est un large trou noir où rien n’a de goût, de couleur, ni d’attrait. Plus rien n’est possible. L’enthousiasme semble mort. Toutes les activités qui t’apportaient du plaisir ou du réconfort par le passé semblent inutiles et vides de sens.
Ce qui te maintient dans ce trou, ce sont les pensées négatives et automatiques, comme la certitude que rien ne pourra te sortir de ce sombre moment. Note ces pensées quand elles apparaissent et questionne-les. Trouve des arguments pour les contredire.
Pour adoucir l’euphorie
Il peut sembler étrange de vouloir modérer une émotion positive. Mais j’ai remarqué que l’excitation extrême peut avoir les mêmes effets néfastes qu’une émotion négative : impossible de penser à autre chose, difficile de dormir, battements de coeur trop rapides, respiration difficile, prise de décision hâtive qui peut mener à des erreurs …
L’idée ici est donc de retrouver le calme par la prise de distance et la lenteur. La méditation et l’écriture marchent bien pour moi. Une petite séance de yoga peut nous aider à revenir dans notre corps. On peut tenter une activité créative, pour canaliser l’attention.
Essaye ! Apaise ton émotion violente en 8 étapes …
- Prends conscience que tu es responsable de ton émotion et que donc tu as le pouvoir de la changer.
- Prends conscience de l’émotion, accepte-la au lieu de la refouler.
- Contourne la rumination en faisant une activité qui engage ton corps et ton esprit.
- Accepte l’expérience humaine : les émotions positives comme négatives sont naturelles et toujours présentes.
- Remarque les informations que l’expérience de l’émotion te procure.
- Réalise que l’émotion est passagère.
- Evite de placer le blâme.
- Trouve des activités qui favorisent ta relaxation et ton calme.
Et toi, as-tu des trucs et astuces pour face faire à une émotion violente ? Partage-les dans les commentaires …
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« Il peut sembler étrange de vouloir modérer une émotion positive » ça peut sembler étrange effectivement. En même temps atténuer une émotion positive permet aussi d’atténuer une émotion négative, et permet in fine d’être d’une humeur plus égale. C’est un processus qui m’est souvent utile pour accepter les soucis du quotidien et me rappeler, dans les moments ou tout va bien, qu’il ne faut pas se laisser aller et anticiper les moments a venir.
C’est vrai, être globalement plus équilibré, c’est plus serein ! Merci Pierre 🙂
Merci pour cet article Aline !
Je me posais justement la question il y a quelques jours :
différence entre « gérer son émotion » et « étouffer l’émotion ».
Merci pour ton éclairage 🙂
C’est vrai que la distinction n’est pas toujours évidente, même quand on « sait » en théorie ! 🙂